Le Renouveau Charismatique Catholique, un courant de grâce
Le pape François a insisté à de multiples reprises sur le fait que le Renouveau Charismatique était un courant de grâce et pas un mouvement. Qu’est-ce que cela signifie concrètement? En quoi cela éclaire-t-il le travail de CHARIS, le nouveau et unique service voulu par le pape?
Nous avons rencontré Jean-Luc Moens, le modérateur de CHARIS, pour en savoir plus.
Quelle est la différence entre un courant de grâce et un mouvement ecclésial?
La notion de mouvement ecclésial est assez connue. C’est un groupe de personnes vivant un même charisme au sein de l’Église. Le mouvement a un fondateur ou un groupe de fondateurs. Il a aussi un gouvernement qui s’occupe de la vie du mouvement et des membres qui sont liés habituellement par un engagement à l’intérieur du mouvement. Un mouvement constitue donc un appel particulier dans l’Église: tous ne sont pas appelés à en faire partie, c’est un appel spécifique du Seigneur.
Un courant de grâce dans l’Église est une réalité moins connue. C’est une réalité plus large qu’un mouvement parce qu’elle ne se limite pas à un groupe de membres: elle est destinée à toucher l’ensemble de l’Église. C’est ce que voulait signifier le cardinal Suenens quand il disait que le Renouveau était appelé à disparaître quand il aurait atteint toute l’Église.
Dans le cas du Renouveau, celui-ci est caractérisé par l’expérience du baptême dans l’Esprit Saint. Il n’y a pas de fondateur, il n’y a pas de gouvernement et il y a une très grande diversité d’expressions qui, malgré leurs différences, sont intégrées dans le même courant de grâce. Tous ceux qui ont reçu le baptême dans l’Esprit sont dans le courant de grâce. L’objectif du courant de grâce est de permettre à tous les baptisés – catholiques ou non – de recevoir le baptême dans l’Esprit, car cette expérience est pour tous. Ici, on touche à la différence essentielle avec un mouvement: un courant de grâce à l’intérieur de l’Église prétend toucher tous les baptisés parce que, ce qu’il propose, est seulement un aspect de la vie chrétienne normale: vivre pleinement de son sacrement de baptême en ce qui concerne le Renouveau Charismatique.
Pour le Renouveau Charismatique, quelles sont les conséquences concrètes d’être un courant de grâce?
Je pense que pour beaucoup d’entre nous, cela implique une véritable conversion. En effet, dans beaucoup de pays, nous avons pendant longtemps pensé le Renouveau Charismatique comme un mouvement. Certains ont même affirmé il y a quelques années que la maturité du Renouveau était d’être structuré en un mouvement. Ceci n’est pas la pensée du pape François. Ce n’est pas non plus ce que l’Esprit Saint a manifesté depuis plus de 50 ans en suscitant des expressions tellement différences et originales à l’intérieur du même courant de grâce.
Le fait que le Renouveau soit un courant de grâce va donc avoir des conséquences très concrètes. En voici quelques-unes:
– Le Renouveau Charismatique Catholique n’a pas de responsable comme peuvent en avoir les mouvements. Le responsable du courant de grâce est Jésus – comme l’a dit le pape – et l’Esprit Saint. Ceci implique, par exemple, qu’en tant que modérateur de CHARIS, je ne suis pas responsable du Renouveau. Je suis seulement responsable du service que le pape a voulu offrir au Renouveau à travers CHARIS. Ceci est vrai aussi dans tous les pays. Il n’y a pas de responsable national du Renouveau. C’est la raison pour laquelle nous avons voulu appeler les responsables des Services nationaux de Communion de CHARIS «coordinateurs» pour bien manifester qu’ils ne sont que des serviteurs d’une réalité qui les dépasse.
– Le Renouveau Charismatique Catholique n’a pas non plus de gouvernement. Toutes les réalités du Renouveau sont d’une certaine manière indépendantes les unes des autres tout en restant interdépendantes dans l’Esprit Saint, chacune avec la même dignité. L’autorité qui veille sur ces réalités est l’autorité ecclésiale compétente, c’est-à-dire le plus souvent l’évêque diocésain. Soyons prudents lorsque certaines structures du Renouveau interdisent un prédicateur, imposent un schéma de prière ou des règles obligatoires pour recevoir le baptême dans l’Esprit. Trop souvent dans le Renouveau, nous avons construit des postes de douane (cf. homélie du Pape, 25 mai 2013)…
– Tous ceux qui ont fait l’expérience du baptême dans l’Esprit participent au courant de grâce – vous voyez que je suis prudent, je ne parle pas d’en être membre. Il n’est pas nécessaire – même si cela est hautement souhaitable – de participer à un groupe de prière où à une autre réalité charismatique. L’Esprit Saint est libre de ses dons: s’il veut faire vivre l’expérience du baptême dans l’Esprit à une personne en dehors de toute structure «reconnue», qui sommes-nous pour l’en empêcher?
Certains peuvent objecter que le baptême dans l’Esprit n’est que l’expérience initiale. Il faut ensuite persévérer dans la grâce reçue et pour cela, la participation à un groupe est une grande aide. Ceci est absolument vrai. Un chrétien seul est un chrétien en danger. Mais le groupe ne doit pas nécessairement être officiellement reconnu comme charismatique. Ainsi, par exemple, si une personne qui fait partie des Focolari reçoit le baptême dans l’Esprit, elle peut très bien vivre à fond sa vie spirituelle soutenue par son mouvement sans participer à un groupe du Renouveau.
Accepter que le Renouveau Charismatique soit un courant de grâce implique d’accepter aussi qu’il déborde des structures que nous avons créées. L’Esprit Saint est libre de ses dons!
– Le courant de grâce appelé Renouveau Charismatique comprend toutes les réalités nées de l’Esprit Saint et qui partagent l’expérience du baptême dans l’Esprit. Parmi elles, on peut citer les groupes de prière, les communautés charismatiques, les écoles d’évangélisation, les ministères, les maisons d’édition, les centres de retraites, les radios et télévisions, beaucoup d’œuvres sociales, etc. Or, dans beaucoup de pays, une structure s’était créée portant le nom de Renouveau Charismatique Catholique et s’adressant uniquement à la réalité des groupes de prière. Il est clair que, dans l’esprit du courant de grâce promu par la pape, ces structures devraient changer de nom, car la partie (i.e. les groupes de prière) ne peut pas prendre le nom du tout (i.e. l’ensemble multiforme des réalités suscitées par l’Esprit Saint). Dans beaucoup de cas, ce changement est difficile car il s’agit de changer quelque chose qui a toute une longue histoire.
En quoi tout cela éclaire-t-il l’identité de CHARIS?
CHARIS se situe dans la ligne de ce que je viens d’expliquer.
Il importe d’abord de comprendre que CHARIS est un service. CHARIS ne s’identifie pas au courant de grâce qu’est le Renouveau Charismatique. Il est simplement et humblement à son service.
Puisque CHARIS est un service, il ne peut pas être une association de fidèles au sens du droit canonique. Faire de CHARIS une telle association serait lui reconnaître des membres et donc en faire un mouvement. Or, comme service, CHARIS n’a pas de membre.
Il est important que cette distinction soit prise en compte dans tous les pays où on tente d’écrire des statuts pour le Service national de Communion de CHARIS. En faire une association de fidèles va à l’encontre de l’esprit même de la nouveauté de CHARIS.
Les statuts affirment aussi que «en tant qu’organisme de service, CHARIS n’a pas d’autorité sur le Renouveau Charismatique Catholique, puisque toutes les expressions du RCC sont directement sous la juridiction des autorités ecclésiastiques compétentes» (Art. 1 § 3). On voit bien ici le point que j’ai développé plus haut, à savoir que l’autorité sur toutes les réalités du Renouveau est bien celle des évêques et pas d’autres corps intermédiaires. CHARIS peut donner un avis sur certains points si des évêques désirent nous consulter, mais ce sont eux qui exercent l’autorité.
Comment cela se met-il en place dans les différents pays?
Cela se fait à travers la constitution des Services nationaux de Communion (SNC) de CHARIS comme le prévoient les statuts. Il y a deux mots clef: service et communion.
Dans tous les pays, les personnes qui ont reçu le baptême dans l’Esprit sont appelées à vivre dans la communion. C’est pourquoi les statuts demandent que toutes les expressions ou réalités du Renouveau soient représentées dans les SNC. Le mot communion en lui-même indique bien qu’il ne s’agit pas d’un gouvernement, qu’il n’y a pas d’obligation, qu’il n’y a pas de responsable qui dirige le courant de grâce dans le pays. Il y a seulement un coordinateur du SNC qui est serviteur de la communion.
Les SNC sont aussi des services. Ils sont au service de toutes les réalités du Renouveau Charismatique du pays qui le demandent. Ils ne doivent pas imposer leur service, mais simplement le proposer à ceux qui peuvent librement en profiter… ou non.
Comme vous le voyez, les SNC sont des structures très humbles qui n’imposent rien. L’objectif de tout cela est de donner la première place à l’Esprit Saint, de le laisser souffler comme il veut, de ne pas entraver son action par des structures trop rigides. N’oublions pas qu’il est le chef du Renouveau Charismatique. Il continue de souffler et il n’a pas dit son dernier mot!
